« Noël », un cri de réjouissance

« Ce fu un pou devant Noël / Que l’en mettoit bacons en sel », est-il écrit dans Le Roman de Renart dès 1178. Le mot « Noël » est en effet attesté sous sa forme actuelle de manière écrite dès le XIIe siècle. Selon les linguistes, il serait issu du latin natalis dies (« jour de naissance »). Auparavant, les ecclésiastiques auraient plutôt employé la formule « al Naël Deu » pour désigner la Nativité du Christ. Mais si aujourd’hui le terme fait référence à la célébration de cette naissance, Noël désignait également au Moyen Âge un « cri de réjouissance poussé par le peuple pour saluer un événement heureux », comme l’indique le Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL) du CNRS sur son site.

Avènement du roi, naissance d’importance, mariage princier, arrivée d’un membre éminent… À la fin du Moyen Âge et lors des moments clés, il est ainsi courant pour le peuple de crier « Noël », afin de marquer « le passage de l’extérieur à l’intérieur de la ville dans les entrées royales », écrivent les maîtres de conférences en histoire médiévale Didier Lett et Nicolas Offenstadt dans leur ouvrage Haro ! Noël ! Oyé ! – Pratiques du cri au Moyen Âge (Éditions de la Sorbonne, 2003). De nombreux exemples se retrouvent dans les différentes traces écrites de l’époque. Le 4 septembre 1414, la paix d’Arras est signée entre le « roi fou » Charles VI et « Jean sans Peur », duc de Bourgogne. « Noël ! Noël ! », hurle alors la foule en liesse pour célébrer cet accord : « le peuple veant le familiarité et amistié que avoient les deux prinches ensemble, de rechief crierent ‘Nœl’ a haulte voix », est-il noté dans le Journal de la paix d’Arras (1435) d’Antoine de La Taverne.

« Le cri prend alors aussi une fonction apotropaïque (qui conjure le mauvais sort, ndlr) : il doit chasser la guerre et éviter qu’elle ne revienne », indiquent Didier Lett et Nicolas Offenstad.Le mot symbolise finalement l’espoir. « Tant crie-l’on Noël qu’il vient », utilise le poète médiéval François Villon pour conclure chaque strophe de sa Ballade des proverbes (1458). Le 1er décembre 1420, Charles VI fait une entrée solennelle à Paris, ville alors aux mains des Anglais (guerre de Cent Ans). Les habitants, épuisés par la guerre civile, lui font honneur en criant à nouveau « Nœl fort et haut […] en demonstrant grant signe de ioye », écrit à l’époque le diplomate français Jean Jouvenel des Ursins dans ses chroniques.

Avec le temps, le mot « Noël » est davantage chanté que crié. Dès le XVe siècle, il prendrait ainsi également sa définition de « chant populaire en l’honneur de la Nativité ». Alors que les épisodes de l’Évangile racontant la naissance de Jésus étaient régulièrement mis en scène et joués sur les places (mystères de la Nativité), accompagnés de chansons, ils sont peu à peu remplacés par ce qui a été appelé des « noëls », hymnes joyeux et divertissants. L’un des plus anciens chants noëliens (tels qu’ils sont connus aujourd’hui) serait Entre le bœuf et l’âne gris, daté du XVIe siècle. Et si « Noël » n’est guère plus crié en tout temps, les « Joyeux Noël ! » expressifs sont toujours d’usage en fin d’année.

Via https://www.geo.fr/histoire/pourquoi-criait-on-noel-tout-au-long-de-lannee-au-moyen-age-212978