Les textes lithurgiques éthiopiens et la protection du patrimoine

À l’institut Hamere Berhan d’Addis-Abeba, la capitale de l’Éthiopie, des prêtres et des artisans qualifiés reproduisent méticuleusement d’anciens manuscrits religieux et des œuvres d’art sacrées, parfois séculaires.

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Situé dans le quartier historique de Piasa, l’institut Hamere Berhan est reconnu pour son expertise dans la fabrication de parchemins à partir de peaux de chèvre, ainsi que dans la production d’encres à base de plantes locales. 

Dans cet institut, des copistes se consacrent depuis 4 ans à la préparation des parchemins, des stylos et des encres. Ils étendent, dans la cour, des peaux de chèvre qui ont été immergées dans l’eau plusieurs jours, rapporte l’AFP, avant de les fixer à des cadres métalliques pour les sécher au soleil et les étirer. 

Yeshiemebet Sisay, responsable de la communication à Hamere Berhan, souligne que la plupart des manuscrits sont commandés par des particuliers qui les donnent ensuite aux églises ou aux monastères. Certains clients demandent de courts recueils de prières ou des reproductions d’anciennes œuvres éthiopiennes. 

La réalisation de petits livres prend en moyenne un mois ou deux, mais certains travaux durent jusqu’à deux ans, voire davantage. En plus des parchemins, l’institut fabrique des stylets en bambou, affûtés à l’aide d’une lame de rasoir. Les scribes utilisent des stylos différents pour chaque couleur de texte — noir ou rouge — et peuvent choisir entre une pointe fine ou large.

« Les anciens manuscrits en parchemin sont en train de disparaître de notre culture, ce qui nous a motivés à lancer ce projet » déclare Yeshiemebet Sisay. Et d’ajouter : « Nous avons pensé que si nous pouvions acquérir des compétences auprès de nos prêtres, nous pourrions y travailler nous-mêmes, et c’est ainsi que nous avons commencé ».

Ces précieuses œuvres sont principalement conservées dans les monastères, où les prières et les chants religieux sont réalisés sur des parchemins. Ces derniers sont privilégiés aux manuscrits en papier, car ils sont moins vulnérables aux dommages causés par l’eau et le feu, préservant plus longuement les écrits. La plupart des textes spirituels sont rédigés en ge’ez, la langue liturgique de l’Église orthodoxe éthiopienne. 

Un patrimoine en danger  

Cette initiative des locaux émerge dans un contexte particulièrement violent, qui menace les populations et les manuscrits éthiopiens. Le conflit dans la région du Tigré, qui a démarré en novembre 2020, est à l’origine de la destruction de nombreux biens culturels et religieux, notamment en raison des frappes aériennes. Cette région est chrétienne depuis le Ve siècle, et possède un patrimoine particulièrement riche ainsi qu’une importante tradition scripturale

La conservation passe aussi par la numérisation, et un certain nombre de manuscrits sont disponibles en ligne grâce au programme HMML (Hill Museum & Manuscript Library), spécialisé dans la préservation des écrits. HMML travaille en partenariat avec des institutions, des églises et des communautés éthiopiennes pour planifier les opérations techniques de scan de ces textes anciens et fragiles. 

Ce travail mené depuis le début des années 1970, a conduit à la création de la Bibliothèque éthiopienne de manuscrits sur microfilm (EMML), une collection de quelque 8000 textes qui proviennent de toute l’Éthiopie et offrent une vue d’ensemble sur la littérature nationale.

Au XXIe siècle, ce travail numérique se concentre sur certaines collections : les manuscrits du monastère de Gunda Gundē qui datent du XVe siècle (plus de 200 documents photographiés par Michael Gervers et Ewa Bailicka-Witakowska en 2006), le monastère d’Agwaxa (photographié par la même équipe en 2007), et les célèbres Évangiles d’Abba Garima en deux volumes du monastère d’Endā Abbā Garimā (photographié en 2013). Ces lieux de culte sont tous situés dans la province du Tigré. 

Photographie : manuscrit tiré des collections de l’Église de Narga Sélassié, à Bahar Dar, en Éthiopie (A.Davey, CC BY 2.0)

via https://actualitte.com/article/112295/livres-anciens/en-ethiopie-reproduire-d-anciens-manuscrits-pour-eviter-leur-disparition