Roland Moreno
Musée national d’art moderne Centre Pompidou
3 juin 2024 – 2 septembre 2024
Niveau 4, salle 29
Inventeur visionnaire inclassable, électronicien et bricoleur, Roland Moreno (1945-2012) a marqué l’histoire technique de la seconde moitié du 20e siècle par ses méthodes de création libres et transversales. Dès la fin des années 1960, il imagine des objets inutiles à partir de composants électroniques, qui s’apparentent à de véritables « machines poétiques ». Ludiques, voire absurdes, elles ouvrent une réflexion sur les notions de désordre, de hasard et d’entropie. Mais aussi bien c’est à lui que l’on doit l’invention de la carte à puce qui célèbre cette année ses cinquante ans.
Moins connu que Steve Jobs (le fondateur d’Apple) ou Xavier Niel (celui de Free), Roland Moreno a pourtant l’étoffe – et la personnalité, d’un grand manitou de la tech. Et son héritage est immense. Outre la carte à puce, dont les applications vont de la carte bancaire à la carte téléphonique en passant par la carte Vitale, Moreno est aussi en partie à l’origine de la technologie sans contact NFC avec « Calypso », qui fait fonctionner les pass Navigo du métro parisien (ou ceux du Vélib). Si le brevet de la carte à puce est déposé en mars 1974, il faudra attendre presque une décennie avant que la géniale invention de Moreno n’atterrisse dans les poches de tous les Français. À sa mort en 2012, le nombre de cartes à puces en circulation était estimé à 6 milliards.
Au Musée national d’art moderne, un tout nouvel accrochage rend hommage à cet inventeur iconoclaste et permet aux publics de se plonger dans son univers où se croisent technologie et poésie. C’est grâce à ses deux filles, Marianne Moreno et Julia de Rouvray, que certaines des plus emblématiques machines de Roland Moreno sont entrées au Musée national d’art moderne. Il s’agit d’un don important pour l’histoire de la création industrielle. À découvrir donc, le « Pianok » ou la « Matapof », mais aussi le premier prototype de sa carte à microcircuit (et de son terminal datant de 1974), ainsi que de nombreux documents de travail. Encore plus intrigant, une « bague à puce » : l’idée première de Moreno pour sa fameuse carte à puce.

© Droits réservés. Photo : Centre Pompidou, Mnam-Cci, Janeth Rodriguez-Garcia

Pour Olivier Zeitoun, commissaire de l’exposition, « avec ses inventions, Roland Moreno interroge les attendus de l’informatique alors naissante pour l’emmener vers des territoires de hasard et d’erreurs fertiles ». Il ajoute : « ses bricolages, qui pourraient s’apparenter à des machines poétiques, reconfigurent le rapport à l’exactitude et à la précision, à la maîtrise et à la prévision, associées aux outils informatiques et électroniques ». Outre ses folles mécaniques, l’accrochage s’attache aussi à recréer l’univers personnel de l’inventeur, notamment son légendaire bureau parisien, où régnait un invraisemblable chaos créatif. Marianne Moreno raconte : « J’avais une dizaine d’années à l’époque, et ses gadgets étaient nos jouets. Nous adorions aller le voir dans son antre, c’était un bazar immense, avec une table de ping-pong, des tiroirs remplis de composés électroniques… Mon père passait sa journée avec son fer à souder ! »
Lire Le fabuleux destin de Roland Moreno, l’inventeur de la carte à puce, par Séverine Pierron