Archives de glaciers

Les glaciers ne sont pas que de simples blocs de glace. Ce sont de véritables archives du climat, renfermant des milliers d’années d’histoire environnementale. Leur fonte accélérée met en péril non seulement ces précieux témoignages du passé, mais aussi l’équilibre climatique de notre planète. Alors, comment étudier la glace avant qu’elle ne disparaisse ? Pourquoi leur préservation est-elle une urgence scientifique et environnementale ? Et surtout, que nous apprennent-ils sur l’évolution du climat ?

La Fondation Ice Memory s’est mis en tête de créer une « carothèque », la première bibliothèque mondiale de carottes glaciaires.

Ice Memory Illimani Operation, Bolivie, 2017

Le principe ? Collecter des échantillons sur vingt glaciers menacés de disparition à travers le monde et les léguer aux générations futures, avec l’espoir que ces données permettront de mieux comprendre et anticiper le climat à venir. D’abord stockées dans un entrepôt industriel, ces carottes doivent ensuite être transportées et conservées en Antarctique.

Exemple de carothèque à Bremerhaven en Allemagne, 2000. Photo : Hannes Grobe, CC BY SA-2.5

Comment analyse-t-on les prélèvements dans la glace ? À quoi cela sert-il ? Comment les scientifiques s’adaptent-ils aux bouleversements climatiques ? Dans cette vidéo réalisée par le média Tilt, le le glacio-chimiste Alexis Lamothe expose les ficelles de son métier.

Ice Memory Foundation

Les carottes de glace du patrimoine « Ice Memory » seront sauvegardées pendant des siècles en Antarctique. Un sanctuaire dédié sera construit à la station franco-italienne Concordia, la seule station internationale sur le plateau antarctique qui permette un stockage naturel à -50°C.

Une gouvernance durable et internationale pour les siècles à venir, assurant la préservation et l’utilisation appropriée de ce patrimoine de l’humanité, sera étudiée en coopération avec les institutions internationales, notamment l’UNESCO et le Système du Traité de l’Antarctique (ATCM).

Créée par sept grandes institutions scientifiques françaises, italiennes et suisses, la Fondation Ice Memory a pour objectif d’unir les institutions scientifiques et politiques, au niveau mondial, pour mener les efforts collectifs.

Alors que la 46ème réunion consultative du Traité sur l’Antarctique (ATCM) s’est achevée le 30 mai 2024 à Kochi, Kerala (Inde), une étape très importante a été franchie par la Fondation Ice Memory. En effet, le stockage à long terme de carottes de glace patrimoniales en Antarctique – peut-être pour des centaines ou des milliers d’années comme le souhaite la Fondation Ice Memory – nécessite une grande attention en termes d’impact environnemental et un consensus total des 57 parties du système du Traité sur l’Antarctique. Après six années de plaidoyer en faveur du sanctuaire de la mémoire de la glace à la station Concordia et de nombreuses études de terrain et de modélisation, le projet a été accepté.

Toute activité scientifique sur le continent glacé nécessite une évaluation environnementale préalable de toutes les activités menées dans la zone du traité sur l’Antarctique. En effet, le protocole sur la protection de l’environnement du traité sur l’Antarctique est couvert par le protocole de Madrid, qui a désigné l’Antarctique comme « réserve naturelle, consacrée à la paix et à la science » en 1991. Selon l’un des principes environnementaux majeurs du Protocole sur l’environnement, « les activités menées dans la zone du Traité sur l’Antarctique sont planifiées et conduites sur la base d’informations suffisantes pour permettre des évaluations préalables et des jugements éclairés sur leurs impacts possibles sur l’environnement de l’Antarctique et les écosystèmes dépendants et associés, ainsi que sur la valeur de l’Antarctique pour la conduite de la recherche scientifique ».

À partir de 2018, différents aspects de la mise en œuvre du dépôt de carottes de glace froide ont été présentés, sur la base d’un solide principe de prévention. « A chaque réunion annuelle (ATCM), l’initiative Ice Memory et ses aspects antarctiques de stockage à long terme ont été soigneusement documentés et rapportés par les délégations française et italienne de l’ATCM à toutes les parties. Les procédures d’évaluation ont pris du temps, ont exigé des évaluations précises et scientifiques et ont finalement demandé une évaluation environnementale initiale (EEI) », a déclaré Jérôme Chappellaz, président du FMI. L’EEI est exigée lorsque les incidences probables d’une activité ne sont pas plus importantes qu’un « impact mineur ou transitoire ».

Le principal risque évoqué par les parties au traité sur l’Antarctique concernait l’introduction possible en Antarctique d’espèces non indigènes piégées dans la glace des différentes régions où la mémoire de la glace prélève des carottes de glace. Afin de minimiser ce risque, les carottes de glace déjà prélevées – du Col du Dôme (FR), Illimani (BOL), Belukha (RUS), Elbrus (RUS), Grand Combin (CH), Colle Gnifetti (IT), Holtedahlfonna (NOR) et Colle del Lys (ITA) – ont été soumises aux règles suivantes édictées par la gouvernance du projet Ice Memory : d’abord emballée/conditionnée sur le terrain au moment du forage, puis pendant le stockage intermédiaire en laboratoire ou dans des congélateurs commerciaux, chaque carotte de glace individuelle est stockée dans un emballage dédié, hermétiquement scellé, qui vise à garantir l’isolement des échantillons de l’environnement. En outre, un soin particulier sera apporté au maintien d’une chaîne du froid appropriée depuis les sites de stockage actuels jusqu’au dépôt final en Antarctique. Éviter la fonte des carottes de glace semble être le meilleur moyen d’éviter toute dispersion d’espèces non indigènes dans l’environnement antarctique.

Construites sous le niveau du sol, directement dans la neige, grâce à des excavateurs mécaniques, les grottes de neige, situées à la station Concordia, sur le plateau de l’Antarctique de l’Est, à 3200 m d’altitude, constituent une solution naturelle, innovante et sans impact sur l’environnement. Les études et les essais de grottes prototypes à Concordia ont été menés par les agences logistiques polaires italienne et française (PNRA et IPEV). En s’appuyant sur les matériaux naturels de la neige pour la construction, afin de fournir la solution la moins impactante, ce stockage 100% « naturel » sans consommation d’énergie nécessaire à la réfrigération et sans matériaux de construction importés limitera l’impact sur l’environnement antarctique. Mais il offrira également la solidité nécessaire pour de nombreuses décennies à venir et il sera très facile de reconstruire d’autres grottes à neige à l’avenir si nécessaire. Avec une empreinte très faible à travers l’âge, cet aspect important, approuvé par l’ATCM, permettra la conservation à long terme en Antarctique mieux et plus sûr que dans les congélateurs commerciaux.