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Expo 1725. Des alliés amérindiens à la cour de Louis XV, au Château de Versailles

À travers le récit d’un voyage diplomatique unique, l’exposition proposée par le Château de Versailles et le Musée du Quai Branly – Jacques Chirac retrace la venue en 1725 de quatre chefs amérindiens et d’une femme de la vallée du Mississippi, à la cour de Louis XV. Une exposition France Culture.

En 1725, une délégation amérindienne venue de la vallée du Mississippi foule les sols de Paris, Versailles et Fontainebleau. Invités par la Compagnie des Indes et traités en véritables ambassadeurs, quatre chefs et la fille d’un chef Missouri rencontrent le jeune Louis XV lors d’une audience solennelle qui marque le sommet de leur voyage diplomatique.
L’exposition dévoile le contexte de cette alliance méconnue : des sociétés autochtones structurées, hiérarchisées et profondément spirituelles, déjà engagées dans des relations diplomatiques avec la France depuis la Grande Paix de Montréal de 1701. Grâce à des cartes anciennes, des objets de prestige, des cadeaux diplomatiques – calumets de paix, coiffes, armes, manteaux ornés – et des œuvres rarement présentées, elle fait émerger une autre image de ces nations.

En 1724, la Compagnie des IndesUne compagnie qui gérait le commerce entre une métropole européenne et ses colonies propose un geste inédit : inviter des chefs autochtones à la Cour de Louis XV. Étienne Véniard de Bourgmont sollicite plusieurs nations : Oto, Osage, Missouri, Illinois. Des lettres diplomatiques précieuses, certaines traduites par des missionnaires jésuites comme Nicolas-Ignace de Beaubois, documentent leur réponse. Malgré un naufrage qui empêche certaines délégations de partir, quatre chefs et la fille d’un chef Missouri embarquent au printemps 1725, traités dès leur départ comme de véritables ambassadeurs.

Louis XV, roi de France (1710 – 1774), d’après Jean-Baptiste Van Loo, huile sur toile, vers 1721 © Château de Versailles, Dist. RMN © Jean-Marc Manaï Le lien vers le site collection

Leur arrivée en France inaugure un voyage diplomatique entre Paris, Versailles et Fontainebleau. Grâce au Mercure de France, le parcours est suivi pas à pas : audiences officielles, rencontres avec les princes du sang, visites des résidences royales. Le moment le plus solennel survient à Fontainebleau, le 25 novembre 1725, lorsque Louis XV reçoit les chefs en audience : harangues et gestes protocolaires marquent un respect mutuel.

Cette rencontre laisse une empreinte durable dans la culture française. Jean-Philippe Rameau, inspiré par une danse de deux chefs sur la scène de la Comédie italienne, compose la célèbre “Danse des Sauvages” pour son opéra Les Indes galantes. Cette création témoigne de l’impact culturel de cette délégation, encore peu souligné aujourd’hui.

L’exposition

Avec la création de la colonie de Louisiane, les relations entre les Français et leurs alliés autochtones se renforcent. Un dialogue culturel s’installe, donnant naissance à des objets métissés, à la fois européens et amérindiens : casse-têtes décorés de fleurs de lys, colliers de perles importées, couteaux européens dans des fourreaux autochtones. Le calumet de paix, richement orné, devient l’un des symboles de cette diplomatie partagée.

Lors du voyage, la délégation est conviée à participer à la chasse royale. Les invités y prennent part à leur manière, à pied et armés de leurs arcs. Les échanges de présents – calumets, coiffes, arcs, médailles en or – scellent cette rencontre. L’exposition présente ces objets, accompagnés de portraits des principaux acteurs, dont celui d’un Amérindien Miami, jamais montré en France. À travers une série d’œuvres prêtées exceptionnellement par le Musée du Quai Branly, se dessine une autre image de ces sociétés.

Calumet. Bois, pierre, plumes d’aigle, piquants de porc-épic, bec de pic-vert, laine© musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Pauline Guyon
Manteau « des Trois Villages », Quapaw, vers 1740, peau de bison, pigments.© musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Claude Germain

Le projet CRoyAN, expérience inédite
Depuis 2019, le projet CRoyAN réunit des chercheurs français et des partenaires autochtones canadiens et états-uniens autour d’un objectif commun : étudier, préserver et valoriser les « Collections royales d’Amérique du Nord », conservées au musée du quai Branly – Jacques Chirac. Ce corpus exceptionnel, constitué d’environ quatre cent cinquante objets collectés aux XVIIe et XVIIIe siècles dans les territoires actuels du Canada et des États-Unis, pendant le premier empire colonial français, a été saisi à la Révolution avant d’intégrer les collections publiques. Il constitue un ensemble unique au monde, tant par son ancienneté que par sa richesse artistique, et concerne une vingtaine de nations amérindiennes.
L’un des axes fondamentaux du projet est la reconnexion de ces objets avec leurs communautés d’origine. Nos partenaires insistent sur leur rôle essentiel dans les processus contemporains de revitalisation culturelle, indissociables de la réaffirmation d’une souveraineté politique. Ces objets, qu’il s’agisse par exemple de peaux de bison peintes ou de coiffes en plumes, ne peuvent être compris qu’en lien étroit avec leur contexte de création et leur usage au sein des sociétés qui les ont produits.

Veue de l’Isle Dauphine dans la Province de la Louisiane, par Simon Dusault de la Grave, 1717, Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Cartes et plans. © Paris, Bibliothèque nationale de France (BnF) / Département Cartes et plans

Il en va de même pour les cartes de la vallée du Mississippi, également présentées dans l’exposition. Hétérogènes, elles ont été produites soit dans les ateliers des géographes du roi, en métropole, soit sur le terrain par des ingénieurs militaires. Toutes témoignent néanmoins des territoires d’origine de nations aujourd’hui déplacées, souvent de force.

Exposition 1725. Des alliés amérindiens à la cour de Louis XV
Coorganisée avec le musée du quai Branly – Jacques Chirac

Du 25 novembre 2025 au 3 mai 2026
CHÂTEAU DE VERSAILLES
Appartement de la Dauphine

Horaires : tous les jours, sauf le lundi, de 9 h à 17 h 30 (dernière admission à 16 h 45).

Commissaires :

  • Paz Núñez-Regueiro, conservatrice générale du patrimoine au musée du quai Branly – Jacques Chirac
  • Bertrand Rondot, conservateur général du patrimoine au château de Versailles
  • Jonas Musco, historien, chercheur associé pour le projet CRoyAN