Durant les sept derniers jours du Tempus adventus, à l’office de vêpres de la liturgie chrétienne, on chante, pour le Magnificat, les sept antiphonæ maiores, grandes antiennes qui commencent chacune par l’interjection Ô et que les chantres grégoriens appellent les Grandes Ô.
L’origine de ces antiennes Ô est incertaine. Elles existaient avant le VIIe siècle : en 636, le concile de Tolède prescrit d’en chanter une chaque jour pendant l’octave de l’Annonciation qui se fêtait alors huit jours avant Noël. Alcuin d’York († 804), grand lettré de la Cour de Charlemagne, en cite dix dans son recueil De laude Dei, vers 790. Le chantre-liturgiste Amalaire de Metz († 850) en commente longuement huit dans son Liber de ordine antiphonarii (vers 830), au chapitre XIII : De antiphonis quæ in principio habent O. Pour lui, cet Ô est l’interjection de l’admiration : « O » interiectio est admirantis. Et c’est au cantor de faire comprendre, avec tout son art, que les mots qui suivent cet Ô participent de quelque vision merveilleuse, ad aliquam mirabilem visionem, invitant à la méditation, ad mentis ruminationem.
On trouve aussi huit antiphonæ maiores dans un des plus anciens manuscrits de la messe et de l’office, sans notation musicale : l’antiphonaire dit de Compiègne, composé vers 877 à l’École du Palais de Charles le Chauve.

Le graduel-antiphonaire dit du Mont-Renaud, du Xesiècle, un des plus anciens témoins avec notation musicale publié dans le volume XVI de la Paléographie musicale de Solesmes, donne également huit antiennes en Ô. Il manque des initiales, notamment pour la toute première antienne : O Sapientia.

L’antiphonaire du moine Hartker de Saint-Gall (Suisse), copié au Xesiècle, note douze antiennes en Ô.

Ces antiennes, très populaires à l’époque médiévale, sont toutes composées sur la même mélodie et le même schéma : une invocation au Christ inspirée par les Écritures, introduite par l’Ô (O Sapientia… O Emmanuel), suivie d’un court développement, puis une demande particulière commençant par Veni et se référant à l’invocation initiale (Veni ad docendum nos… Veni ad salvandum nos).
On peut remarquer que ces antiennes sont notées les unes à la suite des autres dans les manuscrits alors qu’elles sont réparties sur toute une semaine, comme ici dans le graduel-antiphonaire de Saint-Maur-des-Fossés

… ou dans l’antiphonaire de Saint-Denis.

O Sapientia 17 decembre
O Adonai, 18 decembre

O Radix Jesse, 19 decembre

O Clavis David 20 decembre

O Oriens, 21 decembre

O Rex Gentium, 22 decembre

O Emmanuel, 23 dècembre

Arvo Pärt a rassemblé ces sept antiennes en une seule pièce de concert, basée sur le texte allemand des antiennes. L’œuvre est composée dans un style tintinnabuli rigoureux, mais chaque partie a sa propre forme complète et son caractère individuel, ce qui explique qu’elles soient parfois interprétées comme des miniatures séparées lors des concerts. Les antiennes consécutives sont souvent contrastées : une nouvelle tonalité, une nouvelle dynamique, un changement de texture ou de direction du mouvement des voix attirent l’attention de l’auditeur sur l’image importante du texte, en soulignant son essence.
Le 24 décembre 1980, l’Eglise Saint-Louis en l’Ile (Paris) accueillait l’ensemble vocal et instrumental « Les Arts Florissants » pour un concert de Noël. Au programme, les sept Antiennes « O » de l’Avent et la Pastorale de Marc-Antoine Charpentier: https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/les-tresors-de-france-musique/concert-de-noel-avec-les-arts-florissants-diriges-par-william-christie-une-archive-de-1980-8678204