Le culte de Charlemagne en France atteint son paroxysme pendant le règne de Louis XI qui décide de fêter la saint Charlemagne le 28 janvier et de faire de cette journée un jour férié célébré comme un dimanche.

Du sacre de Charlemagne par le pape Léon III a la basilique de Saint Pierre, on peut encore admirer à l’entrée de l’édifice actuel, la plaque circulaire de porphyre, où l’empereur s’est agenouillé pour recevoir la couronne des mains du pontife.

Ce que l’on sait moins, c’est que 365 ans jour pour jour après son sacre au Vatican, Charlemagne est canonisé en l’an de grâce 1165 par l’Église catholique. Seul détail : à l’origine de cette décision figure Pascal III, un anti-pape désigné et manipulé par l’empereur germanique Barberousse.

En 1179, le troisième concile du Latran révoque toutes les décisions du faux pontife, mais trop tard, le culte du « quasi-saint » empereur se répand en Europe, en particulier à Aix-la-Chapelle où ses reliques sont enchâssées. Son culte s’est ainsi étendu au fil des siècles avant d’être stoppé net au XVI^e siècle.

C’est d’abord le roi de France Charles V le sage (1338-1380) lui-même qui élève Charlemagne à la gloire des autels de son royaume.

Au début du XIIIe siècle, lorsque apparaît l’Université de Paris, les maîtres fassent circuler une rumeur d’après laquelle Alcuin, principal conseiller de Charlemagne, aurait transféré l’Ecole d’Athènes à Aix-la-Chapelle, capitale de l’Empire carolingien, puis à Paris. Et, comme Charlemagne avait entre-temps été officieusement canonisé, on trouve naturel d’en faire au XVe siècle le saint patron d’une confrérie érigée à la faculté des arts. Chaque année, le 28 janvier, date anniversaire de sa mort, on célèbre la Saint-Charlemagne à la Sorbonne, dont il est devenu le patron en 1661.

Au XVIe siècle, les humanistes voient en lui un précurseur ; au XVIIe, Mabillon le considère comme le père des études et Bossuet en fait une sorte de géant intellectuel qui  » parlait le latin avec autant de facilité que sa langue maternelle et entendait parfaitement le grec… Il composa une grammaire, il avait entrepris d’écrire l’histoire de France « ; au XVIIIe, il devient le modèle du souverain éclairé, en dépit des sarcasmes de Voltaire contre  » le tyran Karl, surnommé Magne « ; au XIXe, Hugo salue le  » géant d’un monde créateur « , à l’origine d’une  » Europe nouvelle « .

Le mythe de saint Charlemagne, patron des écoles, est alors en passe de devenir une  » vérité historique « , que même l’histoire positiviste, retranchée derrière les documents authentiques, n’arrive pas à remettre en question. Seul l’aspect religieux du personnage commence à être gênant avec la montée de l’esprit laïque. Dans les collèges et lycées, la fête du 28 janvier se transforme alors en une cérémonie de félicitations pour les bons latinistes, suivie d’un banquet.

Via https://fr.aleteia.org/2018/01/28/28-janvier-la-quasi-fete-du-quasi-saint-charlemagne