Le Tro Breizh, en breton « le Tour de Bretagne », est un chemin de pèlerinage millénaire, qui relie les sept villes érigées par les sept évêques du VIe siècle considérés comme fondateurs en Bretagne Armorique: Paul-Aurélien à Saint-Pol-de-Léon, Tugdual à Tréguier, Brieuc à Saint-Brieuc, Malo à Saint-Malo, Samson à Dol-de-Bretagne, Patern à Vannes et Corentin à Quimper. Au Moyen-Age on parlait de pèlerinage des Sept Saints de Bretagne, et on devait réaliser au moins une fois dans la vie le périple pour espérer gagner le paradis.

Faire le pèlerinage des Sept Saints, ce n’est pas seulement passer par sept évêchés, c’est aussi suivre des itinéraires médiévaux voire antiques. C’est passer par des lieux voire des sanctuaires où les pèlerins ont fait halte pendant des siècles, c’est marcher dans les pas des pèlerins des siècles passés.

S’il est lié aux saints fondateurs de Bretagne, ce circuit puise également ses racines dans des cultes druidiques, comme l’illustrent les croix dressées sur des menhirs. Contrairement à la plupart des itinéraires de pèlerinage, il a pour originalité d’être une boucle qui se fait dans le sens des aiguilles d’une montre, le soleil levant pour cap. La philosophie serait de revenir au point de départ, promesse alors des nouveaux possibles. On laisserait partir ce qui n’est plus dans les bras de l’Ankou, ce symbole de la mort qui rôde avec sa charrette… Cette circumambulation est celles des troménies, longues processions giratoires inscrites à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel français depuis 2020, dont le Tro Breizh constitue la version XXL. Le plus connu de ces pardons — une forme de pèlerinage à date fixe — reste celui de Locronan, dans le Finistère, l’une des belles étapes du Tro Breizh.
La Bretagne a été forgée par une migration celtique venue de l’ancienne Bretagne, la Grande-Bretagne d’aujourd’hui. Entre le 5e et le 7e siècle après J.-C., des clans traversèrent la Manche sous la conduite de moines issus de grandes familles. Cinq de ces derniers devinrent des saints fondateurs de la région : saint Paul Aurélien à Saint-Pol-de-Léon dans le Finistère, saint Tugdual à Tréguier et saint Brieuc dans les Côtes-d’Armor, saint Malo et saint Samson à Dol-de-Bretagne en Ille-et-Vilaine. Deux locaux, Saint Corentin à Quimper, dans le Finistère, et saint Patern à Vannes, dans le Morbihan, complètent la liste. Soit sept au total, un chiffre non anodin : les Gaulois adoraient sept dieux frères qu’ils célébraient sur sept collines sacrées ; et ces sept évêchés reconstituent sur le sol breton la forme de la Grande Ourse, composée de sept étoiles. Autant de référence à un nombre censé dispenser la vie et le mouvement, symbole de la totalité de l’univers.

En 831, Nominoë fonde le royaume de Bretagne, investi par Louis 1er dit Le Pieux, fils de Charlemagne. Dans le but d’asseoir son autorité, il s’appuie sur ces circumambulations menées sur d’anciennes voies romaines et gallo-romaines. Cette motivation politique présente le double intérêt de donner une âme au territoire et d’assurer ainsi un tour de garde aux frontières. Au 14e siècle, le circuit prend le nom de Tro Breizh et s’agrandit, en intégrant les deux évêchés de Rennes et de Nantes. Plus de 35000 personnes s’y élancent chaque année. À l’époque, ce pèlerinage compte autant que ceux de Rome, Jérusalem ou Saint-Jacques-de-Compostelle. L’objectif était de marcher vingt kilomètres par jour en un mois, à Noël, à Pâques, à la Pentecôte ou à la Saint-Michel, périodes où les reliques des saints étaient exposées. Même Anne de Bretagne y participa en 1505, dans le but d’affirmer sa souveraineté sur le duché.

Le long de ce périple celtique, le randonneur ne prend pas son bourdon mais son Penn Bazh, le bâton qui rythme l’allure et écarte les ronces. Il emporte une poignée de terre de chez lui dans une bourse en cuir, Ar Yalc’h, qu’il essaimera devant les évêchés dans l’espoir de fertiliser son avenir. Et il ne lance pas un « buen camino » mais un « demat », « jour bon » en breton. En guise de crédencial, il fait tamponner son Tremen Hent, qui rappelle que la destination importe moins que le chemin parcouru. Enfin, il ne suit pas la coquille mais l’hermine, ce petit carnivore qui balise l’itinéraire, en noir sur fond gris et blanc.

Photos: Alexandra Bellamy
Via https://www.via-compostela.com/tro-breizh-decouvrir-tour-bretagne
Les « pardons et troménies en Bretagne » ont été inscrits en 2020 à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel (PCI) par la Direction des patrimoines du ministère de la Culture. Cette reconnaissance institutionnelle offre l’occasion de présenter le travail régional d’inventaires croisés actuellement mené sur les pardons et chapelles en Bretagne par l’association Bretagne Culture Diversité et le service régional de l’Inventaire du patrimoine culturel.