Un jeu où l’on se bat… en composant une page de manga. The Fable: Manga Build Roguelike transpose le héros tueur à gages imaginé par Katsuhisa Minami dans une mécanique de “mise en page” ludique.
Concrètement, chaque tour distribue des vignettes (attaque, déplacement, défense) comme des cartes. On les agence sur une planche blanche, l’action se déroule ensuite dans l’ordre de lecture d’un manga. Détail malin : les dégâts infligent des « trous » dans le papier, zones devenues injouables au tour suivant — une contrainte spatiale qui force l’inventivité, presque comme si la page respirait et se froissait sous les coups.
Le système assume son ADN de deckbuilder : on collecte des panneaux, on affine son paquet, on vise la « page parfaite » qui liquide tout le monde avant la riposte. Mais le Roguelike ? C’est un genre de jeu vidéo inspiré du classique Rogue (1980), où les niveaux sont générés aléatoirement et chaque partie est unique. La mort y est permanente : perdre signifie recommencer depuis le début, ce qui rend chaque choix stratégique crucial.
Traditionnellement, ces jeux fonctionnent au tour par tour sur une grille, avec un haut niveau de difficulté. Les variantes modernes, dites roguelites, conservent l’aléatoire et la permadeath, mais offrent souvent une progression entre les parties.
Trois personnages jouables imposent chacun leur tempo. Akira, le tueur de génie, alterne mêlée et armes à feu ; Yoko excelle dans les percées fulgurantes ; Suzuki piège, entrave, mitraille — un trio « à la Streets of Rage », mais passé au filtre du storyboard. Entre deux bastons, une poignée de mini-jeux clin d’œil au manga, dont un concours d’alcool avec le playboy Yuki, ajoute une respiration comique (et parfois de nouvelles cartes à décrocher).
The Fable n’est pas un « petit » manga. Lauréate du Kodansha Manga Award (catégorie générale) en 2017, la série revendiquait plus de 25 millions d’exemplaires en circulation à l’été 2024, et a connu film live-action puis adaptation animée en 2024. On comprend que Kodansha pousse l’univers vers le jeu vidéo : le matériau — un assassin sommé de vivre “normalement” — appelle le décalage ironique que le gameplay met en scène.
The Fable raconte l’histoire d’un tueur à gages d’exception, connu seulement sous le nom de « Fable ». Craint de tous — yakuzas, politiciens, monde criminel — cet assassin est capable d’éliminer une cible en six secondes, s’il le juge nécessaire. Mais un jour, son commanditaire lui donne un ordre inhabituel : pour une durée d’un an, Fable doit poser les armes, enfouir sa réputation, et vivre comme un citoyen ordinaire. Le lieu choisi pour ce « repos forcé » est Osaka, au sein d’une cache affiliée à un clan de yakuzas. Fable reçoit un nom d’emprunt — Akira Sato — et doit se comporter comme un civil, sous surveillance, souvent accompagné de Yōko, son assistante, qui doit jouer le rôle de sœur.
Le récit mêle des moments sérieux — dilemmes moraux, danger latent, tension quand des ennemis l’observent — avec des passages plus légers ou absurdes (décontraction, humour, les difficultés insolites d’un assassin pour accomplir des tâches simples de civil). Cette alternance permet de creuser le personnage : c’est quelqu’un d’efficace, surhumain dans son art, mais humain dans ses ratés. En France, il est publié chez Pika Édition (traduction : Djamel Rabahi – adaptation : Docteur No et Alexandre Neau).
Côté coulisses, MONO Entertainment n’arrive pas sans bagage : Ignistone (action roguelike centré sur le parry) et Clock Rogue ont préparé le terrain, tandis que la collaboration avec Kodansha (via ses programmes pour créateurs) installe un cadre hybride, quelque part entre laboratoire et exploitation de licence à gros tirage. L’angle « jeu de tactique éditoriale » colle d’ailleurs à l’identité du studio, fondé par un diplômé en game design formé à New York.

Faut-il y voir une tendance ? Après les « deckbuilders narratifs » et les tactics minimalistes, voici le roguelike qui fait du sens de la page une arme blanche. Si la promesse tient — un enchaînement lisible, nerveux, lisant droite-à-gauche comme un vrai manga — on tient peut-être un petit manifeste de design : raconter l’action par l’assemblage, plutôt que par la simple addition de stats.
Via Nicolas Gary https://actualitte.com/article/126128/insolite/on-a-deniche-l-ultime-combo-pour-les-fans-de-manga-et-de-jeu-video