Solid, le projet de Tim Berners-Lee pour sauver Internet

Le papa du Web est inquiet. Depuis quelques années, Tim Berners-Lee déplore l’évolution de sa création, en voie de centralisation et dont les principaux bénéficaires s’appellent Google, Facebook, Amazon et consorts. Pour permettre aux internautes de reprendre la main sur leurs données personnelles, et dessiner un avenir un peu plus radieux pour Internet, « TBL » travaille sur un nouveau projet, baptisé Solid.

Reprendre le pouvoir sur nos données. Tel est le mantra que répètent à l’envi les acteurs les plus inquiets de l’évolution du Web. Réseau décentralisé à sa création, ce dernier tend à devenir de plus en plus centralisé et intrusif, sous l’influence de différents acteurs économiques (réseaux sociaux, fournisseurs d’accès, etc.). Au coeur de cette bataille : la lutte contre les plateformes de géants comme Facebook ou Google, dont le modèle économique se fonde sur la collecte de données personnelles.

Un projet Solid

Principal inventeur du World Wide Web au début des années 1990, Tim Berners-Lee rejoint donc aujourd’hui les rangs de la résistance à l’omnipotence des GAFA, en passant de la critique à l’action.

Son nouveau projet, baptisé Solid, vise à redonner aux utilisateurs le contrôle de leurs données. Il faut dire que l‘informaticien britannique, qui vient de recevoir le prix Turing, l’équivalent du Nobel d’informatique, est inquiet pour l’avenir de sa création. Dans une lettre ouverte publiée le 12 mars dernier, il évoquait trois menaces qui pèsent sur le web, parmi lesquelles la perte de contrôle sur nos données personnelles.

« Le point de bascule pourrait être atteint quand les gens réaliseront que les données leur appartiennent »

Comme il n’est pas homme à rester les bras croisés, Tim Berners-Lee a pris la tête du projet Solid, développé au sein du MIT et dérivé du syntagme « social linked data ». Un projet de recherche, donc, dont l’objet est de créer un nouveau standard pour permettre de séparer les données des applications et des serveurs qui les utilisent.

Sur le site de Solid, le propos est clair : « changer la façon dont les applications Web fonctionnent aujourd’hui pour garantir une vraie mainmise sur ses données personnelles ».

Un standard de ce type vous permettrait par exemple de stocker les données liées à votre réseau social préféré sur le serveur de votre choix, dont vous gardez le contrôle. L’idée est que vous décidiez de stocker toutes vos données personnelles sur un serveur vous appartenant, en autorisant, ou pas, les plateformes à s’y connecter. Autrement dit, dans le monde idéal de Berners-Lee, la constitution d’un Web moins centralisé est encore possible : « Le point de bascule pourrait être atteint quand les gens réaliseront que les données leur appartiennent », confie-t-il à Wired, avant de mentionner les décisions récentes des législateurs américains comme potentiel détonateur de cette prise de conscience.

Quitter un réseau social avec ses données

Pour Tristan Nitot, « fanboy » assumé de Tim Berners-Lee et « Chief Product Officer » chez CozyCloud, Solid a pour objet de lutter contre « l’accumulation de nos données personnelles dans ce qu’on appelle vulgairement le cloud, mais qu’il faudrait plutôt appeler « Software as a service », comme GoogleMaps ou Facebook :  des applications Web qui tournent dans des datacenters appartenant à d’énormes entreprises. L’idée est simple : on échange nos données personnelles et notre temps de cerveau disponible contre ce service. Ces données sont donc stockées chez un tiers, auquel vous êtes liés par un contrat que personne ne lit, et à qui vous donnez le droit de faire tout ce qu’il veut, notamment de la publicité ciblée. »

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