En 2020, alors que le confinement obligeait des milliards de personnes à travers le monde à se familiariser avec leur quartier, l’une des idées les plus en vogue en matière d’urbanisme était la « ville du quart d’heure ». Cette vision d’une zone urbaine décentralisée qui permet aux habitants de satisfaire leurs besoins quotidiens à un quart d’heure de marche ou de vélo de leur domicile a été poursuivie comme un moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’améliorer l’habitabilité dans une multitude de villes -en particulier à Paris, où la maire Anne Hidalgo a adopté ce modèle pour le redressement de la capitale française après la crise.
La Suède tente maintenant de mettre en place une variante hyperlocale, à l’échelle nationale. Un plan piloté par l’organisme national suédois d’innovation Vinnova et le groupe de réflexion sur le design ArkDes concentre l’attention sur un plan appelé la « ville en une minute », plus petit que d’autres conceptions récentes de la planification locale. Alors que Paris fonctionne avec un rayon de 15 minutes, le projet suédois fonctionne au niveau d’une seule rue, en prêtant attention à l’espace devant votre porte d’entrée – et celui de vos voisins adjacents et opposés.
L’ initiative Street Moves permet aux communautés locales de devenir co-architectes de l’aménagement de leurs propres rues. Grâce à des ateliers et des consultations, les résidents peuvent contrôler la quantité d’espace de rue utilisée pour le stationnement ou pour d’autres usages publics. Elle a déjà été déployée à titre expérimental sur quatre sites à Stockholm, et trois autres villes sont sur le point de s’y joindre. L’objectif final est extrêmement ambitieux : repenser et rénover chaque rue du pays au cours de cette décennie, afin que « chaque rue de Suède soit saine, durable et vivante d’ici 2030 », selon les propres documents de Street Moves.
En repensant les espaces de connexion essentiels pour les communautés, le projet cherche à briser les hypothèses – aussi répandues en Suède qu’ailleurs – qui considèrent les rues principalement comme des lieux de déplacement et de stockage des voitures. Le micro-focus sur la ville qui se trouve devant votre porte peut être un point de départ pour une transformation urbaine plus large fondée sur la participation, la responsabilité et l’interaction les plus directes.
Bien que les premiers pas de Street Moves soient antérieurs à 2020, son choix d’orientation semble doublement pertinent au lendemain d’une année où l’ordre de rester chez soi et les manifestations de rue ont renforcé le sentiment que nos quartiers immédiats sont des plates-formes où nous devons nous attaquer aux obstacles sociaux les plus fondamentaux et les surmonter.
Avec le cabinet de design Lundberg Design, Vinnova a mis au point un kit de mobilier urbain, conçu pour s’adapter aux dimensions d’une place de parking standard et construit en pin résistant. Ces panneaux, insérés dans l’espace en bordure de trottoir, peuvent être équipés selon les besoins de jardinières de sièges, de supports pour vélos ou scooters, d’espaces de jeux pour enfants ou de stations de recharge pour voitures électriques. Facilement connectables, les panneaux peuvent être soit des unités autonomes, soit configurés pour border une rue entière.
Alors que les municipalités peuvent fournir leurs propres versions de cette boîte à outils, la conception de chaque rue est basée sur des ateliers et des conversations avec les résidents locaux – y compris les écoliers. Les rues situées à proximité des arrêts de transport en commun pourraient favoriser le stationnement des vélos, tandis que celles où se trouvent des cafés pourraient opter pour un plus grand nombre de places assises. Certaines unités pourraient mettre l’accent sur des jardinières remplies d’arbres, d’autres sur des espaces de jeu. Pièce par pièce, ces installations peuvent transformer les rues en lieux de sociabilité et de mixité, se rejoignant progressivement en quartiers où l’espace utilisé quotidiennement par les habitants s’étend peu à peu à l’air libre.
Le processus de conception communautaire est aussi important que les éléments de la rue eux-mêmes, soulignent les responsables du projet. Les installations sont faciles à remplacer, à adapter ou à retirer, ce qui en fait des propositions provisoires au lieu de solutions permanentes uniformes. Certaines peuvent être des expériences qui mènent à des réaménagements plus importants, d’autres peuvent être saisonnières.
Ce processus n’en est qu’à ses débuts. Jusqu’à présent, Street Moves a procédé à des réaménagements expérimentaux de quatre rues à Stockholm, et s’étendra début 2021 à des sites à Göteborg et Malmö. Il est également en discussion avec d’autres villes, dont la ville d’Umeå, à l’extrême nord du pays, ce qui démontre que les conditions climatiques extrêmes saisonnières ne constituent pas un obstacle inhérent à la création d’espaces publics plus vivants. Les enseignements tirés de ces premières étapes aideront au déploiement du projet, car les conclusions des projets initiaux seront canalisées dans un manuel qui guidera les municipalités dans les principaux processus et questions nécessaires aux transformations.
L’exemple de Street Moves représente une modeste tentative de donner aux citadins un contrôle plus direct sur leur environnement, d’une manière que les villes du monde entier feraient bien d’observer. Si les crises les plus urgentes de cette époque – adaptation au climat, cohésion sociale, état de la démocratie – sont arrivées juste devant nos portes, il est peut-être logique de revendiquer cet espace comme point de départ du changement…
Source: Feargus O’Sullivan , pour Bloomberg CityLab
Traduction et adaptation: leccrp.org