Récurrente dans l’Inde ancienne autant que contemporaine, la figure de l’ascète est centrale dans de nombreuses manifestations de l’art indien. Elle illustre ainsi notamment le développement -pour se retrancher du monde- d’une discipline mentale et corporelle appelée yoga. Dédiée aux représentations de l’ascétisme, cette exposition réunit un ensemble de miniatures indiennes et de sculptures sur bois et bronze, du 10e au 19e siècles. En tout, 70 œuvres aussi précieuses que méconnues.
C’est une silhouette bien connue qui accueille le visiteur. Figurée dans la posture classique du padmasana, jambes croisées, pied sur la cuisse opposée, dos droit, tête alignée, main posée dans le giron, genoux touchant le sol ; elle est tout à la fois le bouddha dans sa phase ascétique, le renonçant (arhat) méditant jusqu’à la mort, un saint homme pratiquant le yoga par le contrôle du souffle. Seule œuvre contemporaine de l’exposition, la sculpture de porcelaine de Takahiro Kondo (né en 1958) – baptisée Reduction – est aussi la seule à ne pas provenir du continent indien. L’Inde est ainsi à l’honneur au travers de 70 œuvres, du Xe au XIXe siècle, issues de collections publiques ou privées françaises et étrangères. Pour la plupart jamais exposées, elles offrent un large panorama de la représentation de l’ascétisme, qu’illustrent aussi bien des miniatures – largement majoritaires – que des sculptures de bois ou de bronze.
Cyclique, le parcours s’articule en cinq parties, et s’ouvre sur la place particulière qu’occupe Shiva, divinité centrale du brahmanisme et de l’hindouisme. Viennent ensuite les pratiques ascétiques, déroulant les quatre étapes conduisant vers le renoncement complet ; puis la représentation du « corps subtil » du yogi, réceptacle d’énergie divine. Enfin, les formes les plus extrêmes de la pratique, à savoir le hatha-yoga (yoga de la force) nécessitant des efforts rigoureux, bien loin des canons que le mot « yoga » invoque à notre esprit occidental.
Car c’est bien là l’objectif de cette exposition – remonter aux sources du yoga, de sa pratique, et des ponts qu’il établit entre des religions aussi diverses que l’hindouisme ou l’islam – tout en évitant les écueils que ce mot fourre-tout est si prompt à imposer. Le pari est réussi, et l’exposition se distingue par des prêts majeurs, à l’instar d’une peinture du XVIe siècle – prêt inédit de la bibliothèque Sainte-Geneviève – ou encore l’exceptionnel manuscrit du Bahr al-Hayat (L’Océan de vie) compilé en langue persane dans les années 1550 par Muhammad Ghawt (mort en 1563), d’après un texte sanskrit aujourd’hui disparu. Conservé à la Chester Beatty Library de Dublin, il recense les 21 postures du yoga et fut traduit à la demande du prince moghol Salim, futur empereur Jahangir.
Musée national des arts asiatiques – Guimet, 6, place d’Iéna, Paris XVIe,
tél. : 01 56 52 54 33, www.guimet.fr
Jusqu’au 2 mai 2022.
Source: https://www.gazette-drouot.com/article/le-yoga-s-expose-au-musee-guimet/32882