Le Grand Orchestre des Animaux

Le chef-d’œuvre sonore de Bernie Krause, Le Grand Orchestre des Animaux, présenté en 2016 à la Fondation Cartier, est remis en avant grâce à un site dédié et au site Instagram de la Fondation Cartier.

La musique est un reflet de la nature. Nous imitons la diversité de ses rythmes, sons et harmonies. Quand j’ai commencé à enregistrer les sons de la nature, j’ignorais que les fourmis, les larves d’insectes, les anémones de mer, et les virus, créaient leur signature acoustique.

Bernie Krause

Muni d’un bon casque, ou de bonnes enceintes, mettez-vous dans un endroit calme, de jour ou de nuit. Connectez-vous sur ce lien.
Il ne vous reste qu’à appuyer sur le bouton pour entamer une immersion d’une heure en terre amazonienne, où se font entendre des toucans à bec rouge, des cigales, des troglodytes arada, des perroquets, et bien d’autres encore. Les yeux fermés, certains sons rappellent les maracas de samba. L’imaginaire de chacun peut se laisser porter par ces ambiances tantôt merveilleuses, luxuriantes, rythmées et joyeuses, tantôt inquiétantes. Et le voyage se poursuit, mentalement,en Alaska où des renards polaires et des loups rouges voient chaque printemps débarquer des oiseaux (parulines, buses…) venus nicher par millions.

Au Zimbabwe c’est une nuée de volatiles qui chante, siffle et, qu’un son sourd – proche de la voix – expulsé comme un rebond, vient rythmer.
Ce sont des babouins qui aboient. Mais le plus fascinant de tous les paysages sonores est celui du monde sous-marin du Pacifique. Dans leur milieu naturel, les sons émis par chaque individu de ce peuple des mers sont éloignés les uns des autres. Tous n’ont pas la même amplitude d’émission ni de fréquences. Celles des baleines bleues peuvent aller jusque 500 km. Pour les dauphins, ce ne sont que quelques centaines de mètres.

Krause effectue un collage sonore réunissant des baleines à bosses d’Hawaï – dont le chant évolue au fil des années et des contacts établis entre colonies -, des baleines tueuses, des crevettes, divers poissons, des cachalots, goélands, lions de mer, ou encore des orques dont chaque banc a son « accent »; on les écoute tels des solistes dont les sonorités rappellent pour certains des instruments à cordes. L’archet glisse sur un violoncelle, ou marque le rythme en tapant les cordes et le bois,face à des cris profonds jaillis dans l’immensité de la mer, avant des’assourdir au loin progressivement.

Sauvegarder un patrimoine

Ces archives du sanctuaire sauvage, au-delà de leur beauté, et des imaginaires qu’elles ouvrent dans nos esprits à leur écoute, sont aussi les témoins d’une évolution et, dans certains cas, d’une extinction des espèces animales par l’activité humaine. Sur 15 000 paysages naturels arpentés en un demi-siècle, la moitié est devenue muette, soit par disparition (braconnage), soit par transformation de leur habitat initial (déforestation, coupe sélective, réchauffement climatique, bruits prégnants de l’anthropophonie, …). Les feux de forêt en Amazonie ou en Australie au cours des derniers mois n’ont fait qu’appauvrir encore la puissance et la variété de ces biophonies.

Aujourd’hui, Bernie Krause a choisi de sortir de sa démarche initialement artistique et scientifique, pour sensibiliser sur un plan plus écologique et donc politique notre rapport à la nature et au vivant:

Je ne suis pas rassuré par le constat que mon travail n’intéresse toujours personne cinquante après que je l’ai commencé. C’est pourtant la voix du monde naturel. On enseigne la préservation de l’environnement dans toutes les grandes universités américaines, à Harvard, à Yale, à Stanford, mais aucune ne s’intéresse au son. C’est comme si on préparait une gigantesque banque de données de films muets.

Mettez votre casque, et retrouvez Le Grand Orchestre des animaux sur le site de la Fondation Cartier, et sur leur page Instagram.

Source: https://www.franceculture.fr/creation-sonore/decouvrez-bernie-krause-et-son-grand-orchestre-des-animaux-en-ligne-pour-etre-a-lecoute-du-chant-du